LES CHARMES DISSIMULES DU HEROS DE VILLE

[REX LeBLACK]

Ici se trouvera donc une autre histoire, que j'ai écrite beaucoup plus récemment, puisque ça date de la semaine dernière. En voici le début. Vous retrouverez dans le titre une variante du titre de l'autre histoire. Enjoy !



LES CHARMES DISSIMULES DU HEROS DE VILLE



J'ai pris la ligne sept. Je dois m'arrêter à Tolbiac, je crois. Un nom comme ça. On se les caille en septembre ici. J'ai oublié mes gants. Je frotte mes mains, elles sont rouges et elles pèlent, vous avez déjà vu des mains qui pèlent ? Surtout des paluches comme les miennes, de quoi faire plaisir à un éléphant femelle en chaleur. Dégueulasse. Non, pas mes mains, je parle du type qui s'engouffre son chausson aux pommes juste à côté de moi, sa grosse bouche de babouin qui encercle de salive et craquelle les contours de la pâte, et atteint avec ses dents jaunâtres la compote dégoulinante et giclante sur son double menton mal rasé. Les bruits, les bruits. Moi les bruits ça ne m'envahit pas, ça ne m'atteint pas, étant partiellement sourd, ça fait les trois quarts du boulot. Moi je bois, je fume, j'ai vingt-et-un ans et j'en fais trente, et je laisse pisser. Parce-qu'il faut laisser pisser. Sinon on angoisse, on se dit qu'on ne fait pas comme les autres, qu'on tiendra pas la distance, et ça devient flippant. Y a beaucoup de noirs ici, là, dans le metro. Je n'ai pas vraiment l'habitude, je viens d'un village du Centre, je n'étais pas vraiment sorti de ma belle petite bourgade de Salirose jusqu'ici, c'est limite si la consanguinité n'était pas le mot d'ordre sexuel dans le patelin. J'vous dis ça parce-que j'suis châtain aux yeux clairs, et que je n'ai pas vraiment le type à revenir d'un périple au Gabon. Les filles noirs sont jolies, une jeune metisse, une étudiante certainement, me dévisage. C'est gênant. Je crois que je vais lui sourire. Je lui souris. Elle a l'air gentille, exubérante aussi, et drôle. Peut-être que je devrais lui parler. A six heures trente cinq du matin, je ne sais pas si c'est une bonne idée. Elle a son mp3 sur la tronche, elle ne serait pas attentive. Et puis elle est à l'autre bout du wagon, il va falloir que je me lève, que je traverse cette allée, que je frôle ces gens, que je touche ces vies insurmontables et moites, cette sueur omniprésente, cette souffrance lourde qu'ils veulent à tout prix faire partager (« qui voudrait bien m'aider à porter cette énorme plaque d'acier trempée qu'est ma vie de merde, s'il vous plaît ? »). Non, pas possible, pas faisable. Les gens ici sont cernés, ouais cerné par leur propre amoncellement de problèmes tout aussi fictifs les uns que les autres, mais aussi cernés dans le sens « pochés », ces masses bleuâtres gigantesques qu'on peut apercevoir sur leur gueule respective. C'est comme un élément du costume : la cravate, les boutons de manchette, les poches sous les yeux. Y en a un qui roule ses billes d'une manière effrayante, je commence à m'imaginer son éventuel vie de cocaïnomane décomplexé. Un café crème et hop ! On saupoudre de perles de bonheur, ma petite fée clochette ! Je crois qu'il m'a remarqué. Lui et ses yeux ronds, grands et roulant comme des boulards dans une cours de récréation. Mais je ne crois pas qu'il ait pu remarqué ou même entendre le soubresaut de ma pensée. A moins qu'il ne soit télépathe. Non non on ne se fout pas de moi, j'y crois à ces trucs-là. Enfin pas exactement ça, mais cette histoire de mauvais regard vous savez ? Un sale regard qui peut vous briser toute votre journée, ça m'est arrivé, et pas qu'une fois. Et je sens qu'aujourd'hui, c'est reparti. Un jeune garçon entre à l'arrêt suivant, avec un lecteur cd. Il appuie sur « play ». Il danse et crie, demande de l'argent. Je vous parlais de ce type de personne, ces carossiers de la vie qui veulent vous faire tenir leur plaque de « vie de merde », alors s'ils s'y mettent dès cet âge là, il doit avoir quatorze ans, à tout casser. C'est pas grave, je fais comme si de rien n'était. Cette jeune fille, la petite métisse de toute à l'heure, elle descend. C'est dommage, la prochaine fois je n'hésiterai pas. Je dois foncer, y a pas de raison de se bloquer, je ne suis qu'un figurant pour elle, et elle ne signifie rien pour moi, du moins pas encore. Nous sommes des individus lambda l'un à l'autre, nous avons tout à prouver. Alors pourquoi serait-ce à moi de faire le pas ? Parce-que ? Oui c'est vrai, je suis un homme, et dans une société de débridement total des moeurs sexuels, il est encore question de la virilité comme demonstration d'une attirance quelconque envers une quelconque demoiselle. Et dans ce cas précis cette jeune fille. En tout cas elle faisait jeune. Mais c'est pas grave. D'ailleurs je pense tout le temps ça. D'ailleurs je crois que rien n'est grave. Plus maintenant. Je ne peux plus me permettre d'accorder l'ombre d'une importance aux choses humaines de la vie. D'ailleurs j'y suis. A mon arrêt. Je descends. J'appréhende la lumière de la ville.

[Starman]

Et bien, celui-là aussi est plutôt sympa. On voit pas encore forcément où tu veux en venir, mais c'est toujours aussi agréable. J'aime beaucoup le coup de la plaque d'acier trempée.

[Mélanie Mustang]

Eh bien j'avoue que ça a l'air assez intéressant... Ca change de ce qu'on a l'habitude d'écrire ou même de lire... Moi aussi je me demande où tout ça va mener...
En tout cas, tu écris bien, je ne crois pas avoir relevé de fautes d'orthographe, ni même de synthaxe... Donc, un bon point supplémentaire pour toi^^
Vivement la suite!

[Macros]

C'est marrant, en te lisant, j'ai l'impression de lire du théâtre du XXème siècle, certains auteurs contemporains étant très friands de ce genre de tirades un peu décousues et partant dans tous les sens, sans pour autant verser dans l'absurde... et je dois avouer que c'est agréable à lire. Quoi qu'il en soit, voilà des débuts prometteurs sur ce forum, ce que tu risque de bientôt - si ce n'est déjà - regretter : maintenant, tout le monde va te mettre la pression pour que tu écrive plus!

(naaaan, pars pas déjà! on est pas si méchants que ça!)

[Lena]

Ne l'écoute pas, personne ne met jamais la pression à personne ici...dans le pire des cas, si 2 ou 3 jours se passent sans que tu aies posté de suite, on inondera ta boîte mail de demandes de posts. Tu ne pourras pas poser un bout d'orteil sur le forum sans recevoir un nouveau mp te demandant pourquoooi tu ne postes pas. Rien de bien méchant...
Hmm...Bref. Plus sérieusement...j'avoue être assez impressionnée par tes écrits. Le style est décidément très bon. Pour ce qui est du fond...encore une fois, j'attends d'en voir plus pour me faire une idée plus précise...En tout cas, c'est prometteur tout ça...

[REX LeBLACK]

*


Ce qui m'intrigue toujours dans la ville c'est ce trop-plein d'éléments qui vont à l'encontre de votre sens de jugement humain. Vous savez, il y a les choses que vous ne cautionnez pas, celle pour lesquelles vous vouez un véritable culte d'attardé. Mais il a aussi ces éléments que j'ai l'impression de croiser sans cesse dans la ville. Ces « trucs » où l'avis n'a pas sa place, où il devient de la prouesse sociologique de définir ces choses par le pouvoir de votre opinion personnelle. L'avis, dans son élan si souvent chaleureux (lorsqu'on est à plusieurs) se stoppe net dans son élan et tremble des jambes rien qu'à l'idée que poser son gros cul rempli de certitudes n'est ici qu'une utopie, une belle, grande et immédiate utopie. Mais ce n'est pas le problème. C'est juste que ça m'interpellera toujours, mais jamais je ne pourrai m'y attarder, vu que je n'ai pas d'avis. Où je suis là ? Ah oui dans cette grande chaîne d'hôtels pour touristes, c'est là que j'attends mon client. Mon ordinateur portable fredonne un standard de « be-bop », j'aime ça, même si c'est stressant. D'ailleurs je deviens de plus en plus stressé, ici je suis stressé. Mais c'est un stress stimulant, un peu désapointtant lorsqu'on le découvre soi-même mais il pousse au travail. Ce qui est utile. Mon travail n'est pas très arrassant, d'un point de vue physique. C'est surtout le sens du devoir qui me détruit peu à peu, me consume, car ô combien inutile à mes yeux. Je n'ai jamais rien dû à mes semblables, eux m'ont souvent accordé des services, mais c'était souvent « en-dessous de zero ». Mais peut-être suis-je quelque peu rancunier. Il y a de quoi. La rancune ne me dévore pas. Ce que je dois aux autres, me ronge,et aspire ma vie jusqu'à un point de non-retour. Ce non-retour si vertigineux et aussi stimulant que ce stress urbain. Aussi revigorant que sniffer de la coke sur une paire de seins siliconés. Aussi déstabilisant que l'implatation de mes cheveux reportée sur la trompe d'un éléphant. Aussi incorrigible que le système « Windows » programmé dans un vagin lambda. Aussi irrémédiable que le temps. Car le temps fait mal. Et le temps est coquin. Mais j'aimerais parfois que le temps soit une femme. « Sexiste », me disent certains. Non. En fait, je débloque. Je débloque et ça ne va pas s'arranger. Ça empire de jour en jour. Certains docteurs mettent ça sur le compte de ma surdité partielle, je ne sais quoi penser. Mais là c'est trop tard, on sonne à la porte. J'enlève mon imperméable kaki, un peu trop violent comme présentation. J'ouvre la porte. Je salue mon client, merde j'ai oublié d'éteindre la musique. Le client est un quadragénaire, un peu dégarni, à la bouille sympathique, un monsieur tout de même haut placé. S'il me demande de gérer ses données sociales sur le triste et impitoyable monde du web, c'est qu'il tient à préserver un certain standing et une stature acquise, que ce soit dans le monde réel que dans les frasques fougueuses d'un site de conversations ou de blogs à outrance. Je lui propose un café. Il refuse. Il semble bien portant et sain de corps. D'esprit je ne sais pas, je n'ai plus grande confiance en la logique de l'esprit, surtout celle d'un citoyen du vingt-et-unième siècle. Enfin. Il est gentil. La gentillesse est un luxe. Je n'arrive plus à être gentil. C'est dommage, je suis sûr que si j'avais mieux aborder le coche, j'aurais été un type absolument extra. Dans le genre vraiment extra. Le type à se nouer des pulls autour de coup, à jouer au « Trivial Poursuit » jusqu'à minuit cinq au coin d'un feu avec les amis de mon éventuelle femme. Femme délicieuse, aimante, compréhensive, vieux jeu, coincée, travailleuse, serviable. Une femme compatible à ce mode de vie dirigé vers la pente douce que sera la retraite, la vieillesse, le regret final, puis la mort. Paisible toutefois. Une mort lente et douce. Mais encore une fois, ce n'est pas grave, vu que tout ça ne m'arrivera jamais. Ouf. Je soupire un coup. Un goût amer dans la bouche. Le client est un homme bavard. J'aime aussi bavarder, ce qui arrange les deux parties. Je lui explique comment je procède. Le système de paiement. Les tarifs. Il semble assez satisfait, mais demeure sur le défensive, tel un bon quadragénaire reposé sur ses acquis de vie. Certainement un père de famille. Nous nous accordons tous deux. Il part. Il a mes coordonnées. J'ai les siennes. Un de mes premiers clients. Vous vous demandez comment un bouseux de ma trempe peut exercer ce genre de « job » sans relief. Oui, je me le demande aussi. Mais c'est la première fois que j'ai été emmené à me déplacer. Et ça m'énerve. Ça me titille. En savoir plus. Oui, je pense que j'en ai envie.

[Starman]

Houla, faut que je réponde un truc , mais je sais pas quoi dire^^. Bon, c'est toujours aussi agréable, on entre bien dans la peau du personnage. Et l'intrigue se met en place, lentement mais surement. J'attend de voir la suite.

[Mélanie Mustang]

Eh bien je n'ai pas grand chose à dire si ce n'est que c'est toujours bien écrit... Comme starman, j'attends de voir la suite^^

[Heg]

Plus de reserves sur celui-ci, mais je n'ai pas vraiment de gros reproche à faire, si ce n'est que c'est assez fatiguant de lire sans les paragraphes, mais je suppose que c'est fait expres.

En fait, je pense que c'est le côté sur-blasé qui me botte pas trop, mais ça reste interessant, alors j'attends de voir la suite pour prononcer un jugement trop définitif.

A ciao bon dimanche.

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