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Marion critique

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Message par Heg Ven 25 Juil 2014 - 7:40

  Marion, c'est moi. Je pense que maintenant tout le monde le sait. Mais je précise au cas où, pour toi, dans le fond, qui viendrait soudainement de te réveiller après une hibernation de cinq ans. On ne sait jamais.

  J'ai décidé de me créer une petite chronique. Premièrement parce que je n'arrive pas à dormir, là, tout de suite. Mais aussi parce que j'aime bien exprimer mon opinion, qu'elle soit sollicitée ou non. Parfois je me retrouve, hagarde, parcourant désespérément l'internet à la recherche d'un espace d'expression pour ma vue si singulière et passionnante sur un contenu culturel particulier. Et c'est trop bête, au fond. Telle la Dorothée numérique, je me dis que parfois on n'est jamais aussi bien que chez soi.
  Je suis consciente des doutes que certains membres ont exprimés à propos de mes prises de parole sur ce forum. On m'a parfois reprochée d'avoir la dent trop dure, de chercher la petite bête. Ça ne va pas changer. Déjà parce que je ne suis pas méchante gratuitement, je pense vraiment ce que je dis - non que l'attitude contraire n'aie sa place, mais l'ami Starman fait déjà ça très bien. Je me range plutôt dans la catégorie des sévères mais justes, même si mes analyses n'engagent que moi. J'ai toujours préféré une opinion clairement exprimée et argumentée à un résumé tiède. Je trouve que le simple fait d'être en désaccord avec le critique aide parfois beaucoup à affermir sa propre opinion.
  Gardant tout cela en tête, je me lance. Je pense parler principalement de littérature et de cinéma, peut être de musique ou de jeu vidéo, si le cœur m'en dit. Sauf indication contraire, les critiques contiennent un certain nombres de spoilers, soit parce que j'en ai besoin pour appuyer mes arguments, soit parce que ce sont des choses que la plupart des gens savent à l'avance ou qu'on découvre assez vite - en fait tout dépend de votre définition de ce que constitue un spoiler. Cependant, les révélation des plus fracassantes seront masquées. Exemple dans la critique d'aujourd'hui : je ne vais pas cacher que Paul Atréides devient le messie des fremen, par contre je prendrai mes précautions pour vous dire que Jessica est en fait la fille de Vladimir Harkonnen.

  Les réactions et commentaires sont les bienvenues, et sinon tant pis. Cette chronique saura se contenter d'être le vide-poche de mon esprit.
  Sans plus d’auto-justification, commençons, mes bons.


***


Dune
Frank Herbert, 1965, tome 1

L'histoire
 [Section éditée avec l'aide bienveillante de Macros]
  Dans un futur lointain, humanité a conquis l'espace et vit sur différentes planètes, sous la tutelle de l'empereur Padishah Shaddam IV - ça ne s'invente pas. Dans une sorte de féodalité réinventée, de grandes familles ont autorité sur quelques unes de ces planètes, se livrant parfois à des luttes sans merci. La situation est d'autant plus compliquée que la Guilde contrôle impitoyablement le transport spatial, et qu'une compagnie commerciale, la CHOAM, règne toute puissante.
  Une planète est au centre de l'attention de tous : Arrakis, surnommée Dune, présente l'environnement le plus inhospitalier qui soit. Recouverte dans son intégralité d'un désert, l'humidité y est si rare que l'humanité à du recourir aux stratagèmes les plus ingénieux pour survivre. Mais Dune est le seul endroit où l'on trouve l'épice, substance qui donne de précieux pouvoirs de prescience, et seule permet le transport spacial.
  L'histoire commence quand l'empereur décide de remplacer la famille qui règne sur Dune en son nom. Aux barons Harkonnen, notoirement corrompus et déviants, succèdent les ducs Atréides, une dynastie guerrière dotée d'un code moral rigide. Paul, le protagoniste, est le fils du duc Léto Atréides. Doté d'une intelligence hors norme et de la meilleure éducation qui soit, il se retrouve au centre d'un complot fomenté par les Harkonnen, et se voit obligé de fuir dans le désert, accompagné de sa mère Jessica. Là, il rencontre les fremen, un peuple fier et parfaitement adapté à son environnement, qui est à la recherche d'un messie.

Mon humble opinion
  C'est ma première confrontation avec le classique des classiques du space opéra. Je l'ai fini hier soir (appendices non comprises), et pour tout vous dire, je ne sais pas trop si j'ai aimé ou pas.

  Il y a des choses qui m'ont beaucoup plues, en particulier la construction de l'univers. On entend beaucoup dire de ce roman qu'il est particulièrement complexe. Il est vrai que les premiers chapitres sont riches de beaucoup d'informations, données parfois abruptement, mais ça contribue, je trouve, à rendre l'exposition assez naturelle. Après tout, les personnages, eux, savent de quoi ils parlent. C'est sans doute une question de goût, mais je préfère quand ça se passe dans ce sens-là. Passés les premiers chapitres où les bases sont assimilées, la lecture devient plus fluide, et j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir un univers dense et complexe. C'est une des choses qui rend le livre crédible, et à mon sens une des grandes réussites.
  J'ai particulièrement apprécié les stratégies de survie des fremen, et aussi les Bene Gesserit, une secte (à défaut d'un meilleur mot) de femmes dont les sombres machinations ont des ramifications insoupçonnables. J'ai aussi bien aimé le travail de l'auteur autour des noms des personnages, certains très exotiques et d'autres bizarrement familiers. Au début ça fait un peu drôle, un mec qui s'appelle Duncan Idaho, mais à la longue je me suis dit que c'était une version crédible de l'évolution des patronymes.
  Une autre force du livre est son début assez palpitant. L'auteur à recours assez efficacement à un bon vieux truc. Au début de chaque chapitre, un court extrait d'une des biographies fictives consacrées ultérieurement à Paul nous révèle très rapidement que le duc Léto sera trahi et tué, et par qui. Mais ces péripéties prennent en réalité un bon tiers du roman. C'est un bon procédé pour mettre immédiatement du suspense et nous faire trembler pour des personnages auxquels on a pas forcément encore eu le temps de s'attacher, et ça donne un petit ton de tragédie qui n'est pas déplaisant. Ces textes participent aussi la construction de la légende attachée au personnage de Paul, mais de façon un peu moins percutante, à mon avis.

   Ce qui est dommage, à mon sens, c'est que la narration perd beaucoup en tension à partir de la mort de Léto. Le roman perd sa meilleure accroche et se concentre sur la destinée messianique de Paul, avec de rares apartés consacrés aux autres personnages.
  Non pas que ce soit une mauvaise intrigue en soi. La figure de l'élu, le trope de la prophétie, sont certes usés jusqu'à la corde, mais Dune est une itérations les plus intéressantes que j'en ai lues. Et tout ça grâce à mes amies les Bene Gesserit. En effet, non seulement ce sont elles qui ont implanté l'idée d'un sauveur futur dans la mystique de différentes cultures à travers l'univers, mais elles se sont activement consacrées, depuis des millénaires, à en fabriquer un - à l'aide de fortes doses de mariage sélectif et d'eugénisme. Pourquoi exactement je ne suis pas sûre d'avoir compris, ça sera peut être révélé dans la suite, ou bien c'est moi qui ai mal lu. Mais ça ne fait rien. L'origines des mythes et des prophéties dans les univers de fiction ont rarement autant de tenue, et globalement c'était une agréable surprise, qui subvertit un trope dont je suis un peu lassée.
  C'est aussi une des raisons pour laquelle je ferme les yeux sur un autre élément aux implications assez inconfortables : le sauveur est blanc. On aurait raison de taxer Dune d'un certain européano-centrisme. L'ethnie de tous les personnages n'est pas précisée, mais il y a de fortes raisons de penser tous les nobles sont des blancs. Les assez rares descriptions physiques impliquent souvent des cheveux blonds ou roux, des yeux verts ou gris. Certes, certains patronymes semblent trahir des origines non-européennes chez les personnages secondaires, comme celui de Thufir Hawat ou du docteur Yueh. Mais vue la configuration particulière des patronymes dans le roman, ça n'est pas forcément une preuve. Et puis, un ou deux personnages, ça ne suffit pas à rendre compte de l'humanité dans huit mille ans.
  Cela dit, pour un roman écrit dans l'Amérique des années 60, ça pourrait être bien pire, et il convient de ne pas cracher dans la soupe. La culture fremen, une des plus intéressantes décrites dans le roman, est lourdement influencée par les univers arabes et touaregs. (Si je voulais chipoter, je soulignerais que cela peut recouvrir une sorte d'exotisme un peu limite, mais bon, on n'est pas sur tumblr...) Même si au final, la plupart des personnages fremen que l'on est amenés à connaître ne sont pas de pure souche, on peut admettre que les thèmes néo-colonialistes soient subvertis par le spoiler cité plus haut.

  Mais venons en à mes principales réserves.
  Si l'histoire et l'univers me plaisent, de quoi je me plains ? Et bien je trouve que la narration est bizarre. C'est peut être que je suis trop habituée à ce qui se fait aujourd'hui et que j'ai trop lu dans la catégorie "young adult" de la fantasy, qui souvent à un caractère assez formulatique. (En apparté : j'assimile plus le space opera à de la fantasy qu'à de la SF. Surtout que dans Dune l'humanité à renoncé à se servir des machines électroniques et des intelligences artificielles, ce qui confère à leur technologie un caractère plutôt magique. Les intrigues de cour ont de plus une place importante.)
  Pour un pavé de 500 pages, c'est bizarre mais certains moments paraissent un peu précipités. Je pense à la mort de Kynes, le planétologiste impérial vivant parmi les fremen. Ce chapitre est, à mon sens, un des meilleurs du roman, aussi bien dans le style que dans la description des motivations du personnage. Pourtant, comme ce dernier à connu assez peu de développement préalable, la scène arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, et on en vient à regretter de ne pas avoir plus connu ce type alors qu'auparavant on en avait pas grand chose à faire. C'est peut être voulu, cela dit, mais tel que c'est fait ça me laisse un goût de trop ou trop peu. Idem pour la relation de Paul et Chani. J'ai eu du mal à m'attacher à eux en tant que couple, parce que ça nous tombe dessus un peu vite.
  D'autres intrigues au contraire ont beaucoup de développement, mais des résolutions assez précipitées ou décevantes. Je pense à la scène où Paul explique aux fremen pourquoi il ne tuera pas Stilgar. L'auteur explique longuement pourquoi c'est ce que les fremen attendent, et finalement, Paul réussit à les convaincre lors d'un discours assez convenu, qui ne nous enseigne rien sur personne et qui ne fait pas plus avancer l'histoire que si le sujet n'avait jamais été abordé.

  J'ai deux, trois problèmes avec Paul aussi.
  Pas tellement avec son coté surhomme, parce qu'il fallait bien un type en dehors du commun pour faire ce qu'il a fait et que ça change agréablement du héros en proie au doute permanent et à la dépréciation de soi, qui est à la mode en ce moment. Je trouve également son pouvoir intéressant : faire de son intelligence géniale, renforcée par la présence de l'épice, un quasi-handicap, est une bonne idée, et les scènes de prescience fonctionnent bien. Et puis ça change des "genies" qui apprennent la physique quantique en un après-midi. Mais Paul n'est pas très attachant, je trouve. Non seulement tout lui vient très facilement, ce qui peut être un peu agaçant, à la longue, mais il lui manque peut être un ou deux traits de caractère qui le singulariseraient, qui nous permettraient de nous identifier. Durant tout le livre, je me suis sentie plus proche de sa mère. Quelque part, même le baron Harkonnen est plus attachant, tout obèse, manipulateur et pédophile qu'il soit. (C'est un excellent méchant.)
  De plus, pour mettre en valeur son héros, l'auteur a recours à un truc assez malheureux que nous connaissons bien et qui ne manque jamais de me courir sur le haricot. Tous les personnages, à l'exception des méchants, adorent Paul. Parfois au sens théologique. Nous signalent, à intervalles réguliers à quel point, vraiment, ce type est formidable, là ou ces actions devraient parler d'elles-mêmes. En bref, je ne le dis pas, mais je pense.

  Tout ça pour dire je ne suis pas sûre de vouloir lire la suite. J'ai souvent entendu dire qu'on pouvait se contenter de Dune comme un stand alone. J'avoue que je suis un peu frustrée de ne pas savoir ce qui va se passer avec le conte Fenring, la princesse Irulan, Alia ou encore la fille de Feyd-Rautha. Mais j'ai souvent entendu que les tomes suivants étaient décevants, et j'avoue que vers les deux-tiers, les problèmes de narration dont j'ai parlé m'ont un peu fait tomber le livre des mains. Toi le courageux qui à lu jusque là, t'en penses quoi ? Je continue, ou pas ?

  Néanmoins le livre à également d'indéniables qualités dans les descriptions et dans l'atmosphère, et parvient à donner à l'histoire un souffle très épique. Certaines problématiques sont très originales, notamment la dimension écologique dont j'ai peu parlé mais qui est importante. Le style est parfois un peu ampoulé, mais je trouve que ça colle bien au genre et ça ne me dérange pas. Je le recommanderais à un bon lecteur qui a envie de se confronter à de la littérature de genre plus adulte.

Un dernier grain de sel
  Histoire 3/4
  Univers 4/4
  Narration 2/4
  Personnages 2.5/4
  Style 2.5/4
     Total 2.8/4


Dernière édition par Heg le Lun 28 Juil 2014 - 8:06, édité 2 fois
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Message par Macros Sam 26 Juil 2014 - 19:54

Et voilà les souvenirs qui affluent...

Tout d'abord, deux-trois notes pédantes sur des points de détails mineurs, histoire de commencer en mettant tout le monde de bonne humeur.  Razz 

- je suis presque certain que la Guilde Spatiale est l'organisation ayant le monopole du transport... eh bien, spatial. La CHOAM est une organisation marchande indépendante, même si collaborant forcément avec la Guilde (forcément, sinon le commerce serait limité).
- la vertu principale de l'épice, en dehors de pouvoir attribuer des dons de prescience et de rallonger l'espérance de vie (ce qui est déjà pas mal), est surtout qu'il s'agit de la substance donnant aux navigateurs de la Guilde la capacité de voyager d'un point à un autre. Bref, toute la civilisation galactique en dépend, ce qui explique pourquoi elle s'entre-déchire pour le contrôle d'Arrakis.
- détail amusant : les Atréides sont censés être les descendants directs des Atrides. Ça va bien se passer...

Tu fais bien de plus rapprocher Dune à de la fantasy plutôt qu'à de la science-fiction. Ca reste un univers somme toute assez low-tech, dans lequel on essaye plus d'exploiter le potentiel de l'être humain à son maximum plutôt que de se reposer sur la technologie. Quand le combat à l'arme blanche reste une doctrine militaire plus que valable (et même indispensable), et que revenir à un armement aussi primitif que l'artillerie est considéré comme un trait de génie tactique... de façon générale, c'est un univers qui semble tout aussi figé dans le temps qu'un monde classique de fantasy, du point de vue technologique).

De façon générale, je te rejoins pour dire que certaines situations ou personnages paraissent sous-exploités; le tout au profit de Paul, qui, effectivement, n'est pas le plus charismatique des hommes. Il a été plus ou moins conçu et élevé pour être un surhomme, et c'est ce qu'il est, ni plus, ni moins.Personnellement, j'ai plus apprécié son personnage dans le livre suivant, mais cela n'engage que moi (et ça fait longtemps, aussi). De façon générale, le changement brusque de type d'intrigue après la mort de Léto est un peu déstabilisant.

Cela étant dit, c'est l'un des univers les plus fouillés de SF à ce jour, et ce n'est pas pour rien que ça reste le grand classique du genre (avec Fondation d'Asimov). L'écriture est peu conventionnelle, mais donne un style personnel très marqué au récit. Et personnellement, je trouve que les intrigues de Dune n'ont souvent rien à envier à celles du Trône de Fer.

Maintenant, lire la suite ou pas ? Difficile de répondre, il n'y a pas vraiment de consensus sur la question. A titre personnel, j'ai aimé Le Messie de Dune, nettement moins Les Enfants de Dune, et trouvé très bon L'Empereur Dieu de Dune. Les deux derniers, Les Hérétiques de Dune et La Maison des Mères sont moins bon, selon moi (et le fait que la saga soit restée inachevée est vaguement frustrant). Globalement, l'auteur continue d'user le thème du surhomme jusqu'au trognon, avec plus ou moins de bonheur, mais il est indéniable qu'on finisse par arriver à un certain essoufflement. Néanmoins, il y a encore des moments qui en valent la peine ; l'entrée en scène du Bene Tleilax, se posant en concurrents principaux du Bene Gesserit sur le domaine génétique, ou encore l'émergence et l'effondrement d'un nouvel ordre galactique, avec les difficultés que cela entraine (après tout, Paul est certes le messie des fremens, mais est considéré comme le pire tyran de l'histoire de l'humanité par à peu près tout le reste de la Galaxie, et pas forcément à tort) valent le détour. Maintenant, oui, Dune peut se lire comme un stand-alone, mais offre un fin plutôt trompeuse.

(en revanche, sur le sujet des préludes et de la suite de la suite, écrits par Herbert fils et K.J.Anderson... tu peux passer.  Rolling Eyes )
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Message par Heg Lun 28 Juil 2014 - 8:21

Marion critique Comicb10

Merci cher Macros pour ces précisions aussi utiles que bienvenues. Mon article a été édité à la lumière de ta connaissance encyclopédique.

Ce qui est certain, dans tous les cas, c'est que je ne vais sans doute pas m'acheter le deuxième tome tout de suite. L'univers des sagas de SF est vaste, et pour l'instant je n'ai pas trop envie de me restreindre à Dune&Co. Même si tu me donnes quand même un peu envie de savoir la suite : j'aime bien les personnages qui se laissent griser par le pouvoir et deviennent des méchants. Peut être l'année prochaine, histoire d'alterner un peu. (Ok, j'ai dit ça pour Proust il y a 6 ans, et j'ai toujours pas effleuré la couverture des Jeunes filles en fleurs. Et pourtant j'avais bien aimé.)

Rendez-vous ce soir, cette fois pour une critique cinéma. Et un double post. Et ouais, moi je suis comme ça, je fais la loi.
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Message par Heg Lun 28 Juil 2014 - 16:46

  Salut les amis. Me voici qui poste deux fois à intervalles très rapprochés. Ca ne sera pas forcément une habitude –  d’ailleurs je vais partir en Islande pendant dix jours et je serais étonnée de trouver le temps d’écrire pour le forum.

  Les conditions dans lesquelles on voit un film influencent notre perception de celui-ci, c’est évident. Ça ne veut pas dire qu’on ne sait pas faire la part des choses, juste parce qu’il faisait un peu froid dans la salle. Mais part souci d’honnêteté, je tiens à signaler que je n’ai pas vu le film dont je m’apprête à parler dans des conditions optimales, ce qui a pu légèrement dégrader mon expérience sur la dernière demi-heure. J’y reviendrai le moment voulu. Sans plus attendre :


***



Boyhood


Richard Linklater, 2014


L’histoire
  Boyhood retrace la vie d’un jeune garçon américain, Mason Jr, de ses 6 à 18 ans. Au programme : les déménagements, la vie amoureuse chaotique de sa mère, les visites de son père, les premières expériences. Entre ses quelques intrigues simples s’intercalent des moments plus contemplatifs, et le film est moins mu par l’action que par le sentiment du  temps qui passe.
  La grande originalité de Boyhood est qu’il a été tourné en temps réel, entre le début des années 2000 et aujourd’hui. Chose quasiment inédite au cinéma, on peut donc observer les évolutions physiques du jeune acteur Ellar Coltrane ainsi que de son entourage, notamment ses parents, interprétés par Ethan Hawke et Patricia Arquette.

Mon humble opinion
  Partie voir Boyhood avec un apriori positif, je ne peux pas dire que j’ai complètement été séduite par le petit dernier de Richard Linklater.

  Je connaissais ce dernier pour avoir vue la trilogie des Before : Before Sunrise (1994), Before Sunset (2004) et Before Midnight (2013). Les trois films retracent étapes d’une histoire d’amour entre deux personnages interprétés par Ethan Hawke et Julie Delpy. Ils se déroulent chacun en l’espace de quelques heures. J’avais trouvé ces films assez sympathiques, même si on pouvait leur reprocher le coté un peu caricatural de certaines situations, et l’attitude un peu antipathique, parfois, des personnages. Comme on peut le voir, Linklater est un habitué des films conceptuels parlant du temps qui passe, et il entretient avec plaisir une « famille de cinéma » - Ethan Hawke est au générique de neuf de ses films.

  Il faut reconnaître à Boyhood qu’il exerce une réelle fascination. Le vieillissement des acteurs, loin d’être un gadget, fait tout l’intérêt du film.
  Au cinéma, le vieillissement est souvent un peu raté. Il peut vous faire décrocher d’un film, même très abouti sous d’autres angles. Parfois l’acteur change aux différents âges, et la ressemblance n’est pas au rendez-vous. Chaque nouvelle incarnation nécessite de plus une scène d’exposition, parfois balourde. D’autres fois l’acteur reste le même et le réalisateur doit s’en remettre au maquillage, ou aux effets spéciaux numériques, pour le transformer. Malheureusement, il est rare que le public soit convaincu. (Dans les films récents, je pense à Benjamin Button ou encore à J. Edgar. Avec pourtant de très bons acteurs dans les rôles principaux, ils avaient soulevé leur lot de commentaires déçus dans mon entourage.)
  Mais le choix ambitieux de Linklater n’est pas seulement un écueil évité. A certains moments, j’ai ressenti une réelle émotion au visionnage du film. Il est difficile de ne pas faire des comparaisons avec soi-même ou ses proches au même âge que le personnage, ou de penser à l’évolution qui fût la notre durant les douze dernières années. Peu de films ont, de fait, cette puissance évocatrice. Et pour cette raison Boyhood, en temps que film conceptuel, est un pari réussi. Il est également agréable de voir de jeunes acteurs interpréter des personnages de leur âge véritable, quand bien souvent le paysage cinématographique est envahi par les lycéens de 25 ans, qui n’ont pas la maladresse touchante de l’adolescence.

  En parallèle de l’expérience conceptuelle, Boyhood est également un film d’apprentissage. C’est un genre qui me touche facilement, peut être parce que je suis encore un peu dans la tranche d’âge concernée.  
  Malheureusement, cette trame narrative, bien que diffuse, ne m’a pas parue à la hauteur de l’ambition du film. La vie de Mason est largement romancée, et les figures qui gravitent autour de lui manquent souvent d’épaisseur psychologique et d’originalité. On a déjà vu cent fois au cinéma cette mère célibataire débordée mais profondément amoureuse de ses enfants, ce père absent mais cool, ce beau-père alcoolique et violent, ce beau-père alcoolique et antipathique. Il est possible que le réalisateur ait eu peur de perdre le spectateur à cause de sa narration non-conventionnelle, et ait voulu se reposer sur des figures familières. Mais le film fait tout de même deux heures quarante-cinq. La longue durée aurait permis une caractérisation plus subtile, d’autant plus que la performance des acteurs globalement bonne.
  Et c’est ça qui est vraiment dommage. L’artificialité des personnages et des situations entre en conflit avec le réalisme troublant du corps des acteurs. Je pense que le film aurait vraiment gagné à avoir une approche beaucoup plus documentaire de son sujet, et il n’en aurait été que plus émouvant. Au bout d’une heure et demie à peu près, la réaction émotionnelle s'amoindrit, et on se retrouve simplement face à une histoire assez rebattue.
  Restent les petits clins d’œil aux différentes époques, qui permettent de remettre presque toutes les scènes dans un contexte historique très précis - les petites filles fan de Britney, l’élection d’Obama, les vidéos virales sur internet cette année-là. Il est difficile, cependant, de prédire si ces petites touches contribueront à bonifier le film avec le temps ou à le vieillir prématurément. Pour le moment, je dirais que ça fonctionne suffisamment bien. (Les fans de Medium parmi vous pourront retracer les coupes de cheveux de Patricia Arquette au cours des différentes saisons.)
  On peut aussi noter la photographie qui est assez jolie et qui suit de manière subtile les évolutions de la mode en la matière durant ces dernières années.

  Mon autre problème avec le film, c’est la fin.
  C’est là que ça devient un peu délicat, car je pense que c'est lié avec les conditions de visionnage mentionnées plus haut. il se peut donc que je sois un peu trop sévère. En effet, j’avais lu sur la page Allo Ciné du film que Boyhood faisait dans les une heure quarante, et j’avais des choses assez importantes à faire directement en sortant du cinéma. Quand j’ai commencé à trouver le temps long et que je me suis rendue compte que le film aurait du se terminer depuis une demi-heure, je me suis mise à sautiller sur mon siège. J’ai trouvé que sur les vingt dernières minutes, quasiment chaque scène aurait pu être la dernière, et ça m’a d’autant plus agacée que j’étais pressée de sortir. Je pense que j’aurais trouvé le film trop long dans tous les cas, et que les fins potentielles étaient trop nombreuses. Mais je ne peux pas le prouver.
  C’est difficile de bien finir un film qui ne suit pas le schéma actanciel et n’a pas de climax. La dernière partie du film se concentre sur la première histoire d’amour de Mason - et sa première rupture. J’ai trouvé le personnage de la petite amie assez raté. De façon choquante à l’aire de l’information, je n’ai pas réussi à trouver l’âge de Zoe Graham qui interprète Sheena, mais je serais très étonnée de découvrir qu’elle a le même âge que son personnage. Elle détonne beaucoup, compte tenu du concept du film (et quand bien même elle aurait vraiment 16 à 18, elle reste un choix de casting discutable). Boyhood aurait beaucoup gagné, je pense, à abréger cette intrigue, d’autant plus que le personnage est assez antipathique.

  Il y a une dernière chose qui m’a un peu déçue, mais je suis prête à reconnaître que ça relève plutôt de la préférence personnelle. Mason a une sœur, d’un ou deux ans son aîné, d’ailleurs interprétée par Lorelei Linklater, la fille de. Comme les autres personnages, elle est assez caricaturale, particulièrement dans son adolescence (cheveux teints, attitude impertinente, etc). Je trouve dommage que le film, qui a profité de deux enfants acteurs, n’aie pas profité de l’occasion pour mettre en regard deux portraits différents, plutôt que den reléguer Linklater fille au rang de personnage secondaire. Ça me chagrine d’autant plus que ça m’aurait plu de voir une fille profiter d’autant d’attention qu’un garçon, le genre masculin restant encore aujourd’hui le choix par défaut au cinéma.

  Avec tout ça, je ne suis pas sûre de vous recommander Boyhood. (En tout cas, pas à toi, lecteur idéal qui a exactement mes goûts.) Je vous dirais bien de vous contenter de la première heure et demie, mais je comprend qu’on ait pas envie de quitter la séance au milieu du film. Oh, et puis tiens, faites comme vous voulez. La prochaine fois je vous promet de critiquer quelque chose qui ma vraiment emballée. Oui, ça existe.

Un dernier grain de sel

  Concept 3.5/4
  Histoire 2/4
  Personnages et rythme 1.5/4
  Interprétation  2.5/4
  Direction artistique 2.5/4
     Total 2.4/4


Dernière édition par Heg le Ven 15 Aoû 2014 - 12:28, édité 2 fois
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Message par Starman Dim 10 Aoû 2014 - 12:36

Heg a écrit:

Déjà parce que je ne suis pas méchante gratuitement, je pense vraiment ce que je dis - non que l'attitude contraire n'aie sa place, mais l'ami Starman fait déjà ça très bien.


Comment ça, méchant gratuitement? sachez médèèèèèèèème, que je même quand je brise les deux jambes de quelqu'un et assassine sa famille sous ses yeux, je le fais de façon dure, mais juste. ^^
Sinon, woulaaaaa, on part 6 mois et c'est la remise en cause de mon monopole, ho^^. Des critiques, des arguments, des notes!
Bon, Dune donc......ça fait un baiiil que je l'ai lu ce truc (fin du primaire, peut être?). Je me rappelle avoir aimé, mais je m'en rappelle plus trop.
La critique a l'air juste et mesurée, en tout cas, et c'est agréable à lire.
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Message par Heg Mar 12 Aoû 2014 - 21:11

  Salut tout de monde ! Comment allez-vous ? Bien ? Parfait. Moi j'ai passé 9 jours en Islande et c'était cool, je vous conseille vivement de m'imiter.
  Je profite de cet espace pour signaler aimablement à Starman qu'il n'a pas à s'inquiéter, puisque je marche également sur les platebandes de Scieszka, niveau critique littéraire. Ca fait un petit moment qu'elle n'en a pas faite, mais je suis certaine que la suivante va arriver d'un jour à l'autre. :p

  Hier soir j'ai revu un film que je n'avais vu qu'une seule fois, au moment de sa sortie cinéma, en novembre 1996. A l'époque, j'étais fort jeune, et je dois bien avouer que j'étais passée complètement à coté. D'autant plus que mon père, qui m'avait accompagné, n'avait pas aimé non plus. Il avait copieusement descendu le film à la sortie de la salle. Ça avait été suffisant pour transformer mon incompréhension en ressentiment, et, pendant près de 20 ans, j'ai gardé de ce film l'image d'une tentative prétentieuse et maladroite de s'approprier un classique de la littérature. Et voila que soudain, avec un œil neuf, il se hisse parmi mes Disney préférés.
  Je ne sais pas quels sont vos sentiments à propos de ce film, mais je vais tenter de le défendre, au moins auprès de mon papa - qui peut être lira ceci.



***



Le bossu de Notre-Dame


Gary Trousdale et Kirk Wise, 1996


L'histoire
  Paris, fin du quinzième siècle. Le juge Claude Frollo, convaincu de sa supériorité morale et inflexible jusqu'à la cruauté, fait régner l'ordre dans la ville. Ses foudres s'abattent tout particulièrement sur la communauté des gitans, qu'il rend responsables de tous les maux de la société parisienne, et en particulier ses mœurs décadentes, réelles ou supposées. (Comme quoi, ça ne date pas d'hier.) Par une nuit froide, il tue accidentellement - ou pas - une gitane sur les marches de Notre-Dame. Cette dernière laisse échapper le nouveau-né qu'elle tenait dans ses bras. Frollo s'apprête à noyer l'enfant, qui est malformé. Mais l'archidiacre de Notre-Dame, qui a assisté à la scène, lui fait honte et le convainc d'élever le petit garçon, à l'abri des murs de la cathédrale.
  Vingt ans plus tard, Quasimodo, ainsi baptisé par son père adoptif, est devenu le sonneur de cloches de Notre-Dame. Il vit reclus, mais ne rêve que d'une chose : descendre se mêler à la foule le jour du carnaval. Contre l'avis de Frollo, il finit par sauter le pas. D'abord élu roi du carnaval en raison de sa hideur, les choses tournent au vinaigre quand la foule décide qu'elle préfère faire de Quasimodo son souffre-douleur. Une personne lui vient heureusement en aide : Esmeralda, gitane d'une très grande beauté et acrobate hors-paire. Ce faisant, cette dernière s'attire les foudres de Frollo et doit se réfugier dans la cathédrale. Elle y est poursuivie par Phébus, le jeune et beau capitaine des gardes, qui préfèrerait pourtant entretenir avec elle des rapports beaucoup plus pacifiques. En désaccord avec la politique de Frollo, le jeune homme convainc Esmeralda de demander asile à Notre-Dame.
  Frollo est donc impuissant à faire exercer son autorité. Sa colère et sa confusion redoublent quand il réalise qu'il est également attiré par la gitane.

Mon humble opinion
  Il y a peu de gens qui placent ce film parmi leurs Disney préférés. Le Bossu n'est pas, il est vrai, la réalisation la plus aboutie des studios. Certaines maladresses lui interdisent sans doute le panthéon des incontournables - et il faut déjà que l'on considère que certaines productions Disney méritent ce titre. Mais, un peu à la manière d'un Dragons 2, c'est un film dont les intentions et les parti-pris me touchent par delà des choix discutables. Voici pourquoi.

  Il faut replacer le film dans son contexte historique. Les années 90 correspondent à ce qu'on appelle la "renaissance disneyenne", ou encore "l'âge d'argent de l'animation américaine". Après les années 50 et 60 qui sont considérées comme l'âge d'or du médium, et la mort de Walt Disney lui-même en 1966, la qualité et la quantité des films produits par le studio est généralement considérée comme décroissante. Disney produit des titres plus oubliables, tels que Bernard et Bianca (1977), Rox et Rouky (1981), Taram et le Chaudron Magique (1985) ou Oliver et Compagnie (1988). Tous les films de cette période ne sont pas bons à jeter - personnellement j'apprécie Basile, Détective Privé (1986) - mais il faut reconnaitre que sans le maître, le studio cherche sa direction artistique.
  Le succès, financier autant que critique, reprend à partir de La petite sirène (1989) ; le film bénéficie, certes, d'un budget plus conséquent que ces prédécesseurs. A partir de cette date s'enchaîneront plusieurs hits tels que La belle et la bête (1991) ou Aladin (1992), le point culminant de la période restant le succès du Roi lion en 1994.
  Mon analyse est que, enhardis par leur succès du début des années 1990, les responsables de Disney ont voulu s'attaquer à des projets encore plus ambitieux. Le roi lion, déjà, tirait son inspiration, non pas d'un des contes d'Andersen ou des Mille et Unes Nuits, mais de Shakespeare. Cependant le déplacement de l'intrigue d'Hamlet de la cour du Danemark à la savane africaine, et les libertés inévitables prises avec le matériau d'origine, rendent la référence assez difficile à identifier, surtout pour des enfants. Après s'être attaqués à l'Histoire, la vraie, avec Pocahontas en 1995 (film que je trouve assez mauvais pour des tas de raisons techniques, et qui est de plus éthiquement problématique), Disney tente l'adaptation directe d'un classique de la littérature : Notre-Dame de Paris, écrit par Victor Hugo en 1831.

  Sur le papier, l'adaptation animée d'un roman tel que celui-là est un projet très excitant. Les artistes de chez Disney - contant comme souvent parmi les meilleurs de la profession - nous offrent une description plutôt réaliste d'une période qui leur sert souvent d'inspiration dans leurs contes de fées. (Je pense par exemple à La belle au bois dormant (1959) ou à Robin des Bois (1973) - oui je sais que c'est supposé se passer au douzième siècle, mais que voulez-vous, les costumes ne collent pas.) Les environnements sont très beaux : on s'immerge avec plaisir dans les ruelles crasseuses de Paris, surmontées par la majestueuse cathédrale et l'inquiétant palais de justice. La mise en lumière des décors est particulièrement réussie, maintenant le film dans une ambiance crépusculaire tour à tour propice à l'introspection, à la mélancolie, au drame.
  Je ne suis pas spécialiste de la période, mais la seule concession au réalisme que j'ai repérée est le fait que l'intérieur de Notre-Dame n'est pas peint : je ne sais pas si l'équipe artistique l'ignorait ou s'ils ont jugé que ça serait trop déroutant pour le spectateur, mais ça aurait pu rendre quelque chose de chouette. Mais bon, sur ce coup-là, je coupe les cheveux en quatre.
  Le design des personnages, plus réaliste également que la moyenne des films de l'époque, est bon, même si ma préférence va vers le trait plus stylisé d'un Mulan (1998).

  Bien sûr, l'intérêt du Bossu de Notre-Dame ne réside pas que dans son univers visuel. Le drame qui se joue à huit mains entre Quasimodo, Frollo, Esmeralda et Phébus, est, selon moi, un des plus intéressants que Disney nous ait jamais proposé.
  Je sais que le concept et la dynamique des personnages viennent de Victor Hugo. Mais il faut reconnaître que les réalisateurs du film ont pris un vrai risque en adaptant ce roman plutôt qu'un autre. Pour tout dire, ça fait bien longtemps que j'ai lu Notre-Dame de Paris, et en plus il me semble que c'était dans une version abrégée. Je n'ai donc pas bien le roman en tête et je ne peux pas critiquer le film en tant qu'adaptation littéraire. Je me contente donc de reconnaître une fois pour toute la responsabilité de Victor Hugo dans les grandes lignes de l'intrigue, et m'en retourne analyser le film en tant qu'œuvre indépendante.
  Dans de nombreux film Disney, la romance tient un rôle important, mais son déroulement est plutôt basique : la fille rencontre le garçon, tous deux sont jeunes et bien de leur personne. Bien souvent, ils tombent amoureux au premier regard, même si certaines circonstances viennent perturber cette attraction, et donner une intrigue au film. Ce schéma de base, et ses quelques subventions les plus évidentes, résument à eux seuls la quasi-intégralité du genre de la comédie romantique. S'il y a une troisième partie, presque toujours masculine, elle est souvent peu menaçante sur le plan sentimental, et bien vite évacuée par le scénario.
  Dans le Bossu, Esmeralda est convoitée par trois hommes, dont deux sont sympathiques au yeux du spectateur : Quasimodo, rêveur au grand cœur malgré sa difformité, et Phébus, qui se révèlera courageux et doué d'un grand sens moral. Cela signifie qu'au moins un des deux sera déçu, et à travers lui le spectateur, rendant la perspective d'un happy end plus incertaine. Ça peut sembler assez trivial, mais à l'époque de mon premier visionnage, ça m'avait beaucoup déstabilisée. J'étais persuadée qu'Esmeralda allait finir avec Quasimodo : c'était le protagoniste, après tout. Dans 99% des films que j'avais vus jusqu'alors, le héros, malgré ses difficultés, séduisait finalement la fille de ses rêves. Habituée que j'étais aux messages bienpensants sur la différence et la tolérance, je ne doutais pas que la laideur de Quasimodo puisse être oubliée. Il n'en fut rien, car Esmeralda choisit Phébus.

  Vous remarquerez que jusqu'à présent, j'ai évité, pour décrire les sentiments des personnages du Bossu, de parler d'amour. C'est un des trucs qui m'a le plus frappée hier soir : ce film parle de sexe. Pas explicitement, bien sûr. Disney abordera le sujet frontalement quand les cochons voleront. Mais de tous les films du studio, celui là est de loin le plus proche de le faire.
  C'est au travers du personnage de Frollo que c'est le plus évident. Gardien farouche de la vertu, haïssant le péché et le pécheur, son univers mental tombe en morceaux quand il voit une jeune bohémienne danser sensuellement, et, quelques minutes plus tard, tandis qu'il tente de l'entraver, respire le parfum de ses cheveux. Dit comme ça, ça peut paraître un peu fleur bleue, mais la séquence est étonnamment adulte dans la mise en scène et dans le jeu du personnage. Quelques minutes plus tôt, la tension sexuelle entre Phébus et Esmeralda était déjà palpable.
  On peut également noter que la première fois que Quasimodo rencontre Esmeralda, c'est en entrant par inadvertance dans sa loge. La jeune femme est alors à moitié nue. Même si elle se couvre avant que le spectateur aie le temps d'apercevoir quoi que ce soit de son intimité, on se doute que pour Quasimodo, qui n'a jamais vu de femme de près, l'expérience est formatrice. Il y a aussi les nombreux symboles phalliques : épées, chandeliers, torches, gargouilles. Je sais que parfois un cigare est juste un cigare, mais dans ce cas précis, l'analyse freudienne me parait avoir du sens.
  C'est d'autant plus couillu de la part de Disney, si je puis dire. De même que dans ma critique, le mot d'amour n'est jamais sur les lèvres des personnages - on discute attirance, affection, tentation. Bien sûr à 8 ans, je suis passée au travers de tout ça. Mais pour un spectateur adulte, à moins d'être trop persuadé de l'innocence de Disney pour tirer des conclusions logiques, c'est plutôt évident.

  Du point de vue scénaristique, le choix de le pas transformer la tension sexuelle en tension amoureuse prend tout son sens.
  Combien de fois a-t-on roulé des yeux, dans un film, quand un couple se rencontre le matin, se jure fidélité éternelle dans l'après-midi et se marie le soir, en grande pompe. Si on admet que Phébus et Esmeralda sont a un stade précoce de leur relation, qui se base encore sur l'attirance physique et sur des valeurs communes, leurs interactions paraissent justifiées et naturelles. Ils appartiennent tous deux à des catégories de populations susceptibles de pratiquer l'amour libre. Par ailleurs, la découverte de leurs libidos respectives justifient très bien que Quasimodo et Frollo, soit placent la gitane sur un piédestal, soit la considèrent comme l'incarnation du diable. Globalement, les interactions entre les quatre personnages principaux m'ont frappé par leur crédibilité, si on les compare aux autres production du même type.
  J'ai déjà entendu reprocher aux personnages de ce film une certaine fadeur, particulièrement Phébus et Esmeralda. Compte tenu du ton du film, ça me parait assez injuste. Certes, tous n'ont pas une évolution spectaculaire. Esmeralda reste plus ou moins la même tout le long du film. Phébus, s'il décide à mi-film de se rebeller contre Frollo, choisit d'exprimer des convictions personnelles déjà présentes au début de l'histoire. Mais compte tenu de la durée du film, qui dure un peu moins d'une heure vingt et parait se dérouler en quelques jours, il aurait sans doute paru très artificiel que tous les personnages effectuent des virages à 180°. Phébus et Esmeralda sont des gens bien, qui confrontés à des circonstances difficiles prennent les bonnes décisions, et ce en évitant un ton trop moralisateur (un peu parfois, mais ça pourrait être tellement pire). C'est suffisamment rare pour être signalé, en particulier dans les films destinés à un jeune public.
  Esmeralda, par ailleurs, se voit hissée au rang de mes princesses Disney favorites. (D'accord, techniquement ça n'est pas une princesse. Mais elle ne serait pas la seule à usurper le titre.) Sa personnalité est forte et indépendante, sans tomber dans le cliché de la princesse rebelle. Elle sait être gentille sans être niaise : on sent que Quasimodo, au début, la met mal à l'aise. Elle a de nombreux talents, allant de la danse du ventre au maniement basique de l'épée en passant par la prestidigitation. Si elle se case avec Phébus, ce n'est pas dans une recherche monomaniaque du grand amour, mais parce qu'il est là et qu'elle en a envie. Certes, il est toujours un peu problématique qu'un film ne présente qu'un seul personnage féminin significatif, mais on peut sans doute blâmer l’œuvre originale sur ce point. À tout prendre je trouve qu'Esmeralda reste meilleur role model que beaucoup.

  Venons en à notre héros, Quasimodo. Il ne me parait pas être le personnage le plus intéressant. Sa timidité et sa réserve rendent parfois ses scènes un peu poussives, et il embrasse un cliché un peu rebattu, l'outcast. Mais les leçons qu'il apprend son intéressantes et sortent un peu du lot. Là où de nombreux films jeunesse nous enseignent qu'avec de la volonté on peut tout faire, Quasimodo apprend à se battre pour ses convictions et à trouver sa place dans la société, même si ce n'était pas celle qu'il convoitait au départ.
  Le personnage le plus intéressant est Frollo. De nombreux méchants Disneyens de cette époque cherchent a obtenir le pouvoir (Scar, Ursula, Shan-Yu), Frollo cherche à le conserver. Socialement, il ne peut pas espérer monter plus haut. Pourtant, dés le début du film, sa cruauté trahit son insatisfaction. Ses conflits proviennent de démons intérieurs. Je sais que ça n'est pas vraiment une nouveauté cinématographique, mais c'est le type d'antagoniste qui m'a toujours le plus satisfaite. De plus, dans le cadre disneyen, il reste rare que les motivations du méchants soient aussi subtiles et détaillées. La scène de la cheminée, monologue où Frollo explique sa passion tragique pour Esmeralda, est sans doute la meilleure du film.
  En aparté, une question demeure. Il n'est pas très clair, dans le film, si Frollo est condamné au célibat par ses convictions personnelles ou par sa fonction. D'ailleurs, cette dernière est également assez survolée, et j'avoue que je ne suis pas sûre de ce qu'il est sensé faire dans la vie. On le présente comme juge, mais dans le roman il me semble que c'est lui l'archidiacre, ce qui en fait également un prélat. Si l'un d'entre vous avait la bonté de m'éclairer sur ce point, je lui en serait reconnaissante.

  Avec tout ça, on se demande donc comment Le bossu de Notre-Dame à pu à ce point passer à coté de son public. La raison me parait simple : je pense que le film ne s'adresse pas aux bonnes personnes. Toutes les choses dont j'ai parlés plus haut, et qui m'ont plu, sont les éléments les plus adultes du film. Les enfants passent à coté de la tension sexuelle entre les personnages. Ils peuvent, comme s'était mon cas, éprouver de la confusion à la résolution des intrigues amoureuses. Enfin certains passages sont assez choquants : la mort violente de Frollo, la plupart des scènes décrivant les activités professionnelles de ce dernier, ou encore la séquence où la foule torture Quasimodo, dont le rythme cauchemardesque flirte avec l'esthétique de Jérôme Bosch.
  Pour rendre un peu de légèreté au film, les réalisateurs ont choisi, comme à chaque fois, d'ajouter des sidekicks comiques : Djali, la chèvre domestique d'Esmeralda, et surtout Victor, Hugo et Laverne, les gargouilles vivantes de Notre-Dame (leurs noms ne sont pas des références aussi directes en version française). Si la chèvre est relativement inoffensive, les gargouilles détonnent beaucoup avec le ton du film. Leur humour référencé et anachronique n'est pas sans rappeler celui du génie d'Aladin, mais là ou ce dernier était une des forces du film, les gargouilles font tâche. Je trouve leur design assez raté, et elles ne sont pas drôles. Plutôt que de détendre l'atmosphère, elle viennent simplement ruiner le ton plus sombre des séquences précédentes.
  Il est sous-entendu que les gargouilles ne sont pas vraiment vivantes, mais issues de l'imagination de Quasimodo. Il est vrai qu'elles ne se manifestent qu'à ce dernier, à part dans à l'occasion de petits gags qui peuvent se lire au sens métaphorique. A la base, ça me semble être une bonne idée. Ce dispositif permet au bossu d'avoir quelqu'un a qui expliquer ses enjeux. De plus, un des motifs centraux du film est que la cathédrale reflète les états psychologique des personnages : le respect mélancolique d'Esmeralda, la culpabilité de Frollo, etc. Mais ces personnages auraient du se présenter d'une autre manière. Ils clashent avec le sérieux du film.

  L'épilogue du film est un peu expéditif, également. Les parisiens se retournent contre la tyrannie de Frollo et, après sa mort, traitent Quasimodo en héros. Ce dernier sait qu'il s'est fait des amis pour la vie dans le couple heureux d'Esmeralda et Phébus, et bénit leur union. Si je trouve que ce n'est pas en soi une mauvaise morale, le changement de ton un peu rapide et la fin un peu précipitée donne aux dernières minutes un coté niais qui était relativement absent du film. La question de la sexualité des personnes handicapées reste en suspens : Esmeralda a bien de droit de préférer Phébus, mais Quasimodo trouvera-t-il un jour l'amour ? A leur décharge, c'est une question qui reste épineuse encore aujourd'hui. Je ne saurais pas comment la traiter, si j'avais à le faire.
  Je comprend la volonté des auteurs d'avoir voulu donner à leur jeune public une film heureuse et rassurante, plutôt que de faire mourir tous les personnages tragiquement. Mais, à mon avis, elle ne fonctionne pas. De façon générale, tous les reproches que j'ai à faire au film concernent les moments qui s'adressent le plus explicitement aux enfants. Entendons-nous bien : il est tout à fait noble de vouloir divertir les plus jeunes. En tant qu'enfant, je ne sais pas ce que j'aurais fait de mes journées sans tous les produits culturels que j'ai consommé, et qui ont développé mon imagination pour le meilleur. (Je viens d'apprendre la mort de Robin Williams et ça me rend très triste.) Il est par ailleurs possible de divertir petits et grands dans une même œuvre ; ça n'est pas incompatible - les bronies vous le diront.
  Mais les auteurs de ce film avaient de façon évidente autre chose en tête. Les moments les plus réussis, les plus profonds, les plus épiques sont ceux qui me sont totalement passés au dessus de la tête à huit ans. A vouloir plaire à trop de monde, ils sont tombés dans le piège de ne vraiment satisfaire personne. Mais rien ne garantit que le film aurait marché s'il s'était adressé uniquement aux adultes. De toute façon, le merchandising est, chez Disney, la principale stratégie de retour sur investissement.

  On peut signaler la musique du film, aussi. Sans être mauvaise, loin de là, on pourrait la qualifier de plus savante que dans d'autres productions. (Je manque de technique musicale pour dire exactement en quoi, les mélomanes pourront peut être m'aider.) Stephen Schwartz, le pape de Broadway, et Alan Menken, signent des chansons assez difficiles à retenir et à fredonner après une première écoute. Ça peut expliquer que le film manque d'un des principaux ressorts du capital sympathie de Disney. Si vous n'avez pas vécu dans une grotte et que vous avez entendu comme moi à peu près dix mille interprétations de Let It Go au cours des huit derniers moi, vous voyez de quoi je parle. Menken avait proposé des ritournelles beaucoup plus accrocheuses dans La petite sirène et Pocahontas, mais cette fois, il a clairement choisi une autre approche, plus intellectuelle.

  En résumé, Le Bossu de Notre-Dame est un film que je vous conseille vivement de redécouvrir à l'âge adulte, si ce n'est déjà fait. Je pensais que j'aurais moins de choses à dire sur un film que j'ai aimé, et me voilà a avoir pondu plus de 5 pages sur la sexualité des personnages de dessin animé. J'espère que vous me pardonnerez.

Un dernier grain de sel
  Direction artistique 3/4
  Histoire 3/4
  Personnages 3.5/4
  Humour 2/4
  Accessibilité pour le jeune public 1.5/4
     Total 2.6/4

  Vous remarquez que je change un peu les critères de notation d'une fois sur l'autre. J'essaye de privilégier la pertinence sur la rigidité.


Dernière édition par Heg le Ven 22 Aoû 2014 - 10:21, édité 3 fois
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Message par Starman Mar 12 Aoû 2014 - 21:40

Heg a écrit:
 
  Esmeralda, par ailleurs, se voit hissée au rang de mes princesses Disney favorites. (D'accord, techniquement ça n'est pas une princesse. Mais elle ne serait pas la seule à usurper le titre.)


Certes. Ceci dit, je crois pas qu'elle soit une "Disney Princess" officielle non plus. Quoi que ce soit sensé vouloir dire.
Concernant Frollo, j'ai lu le bouquin il y'a super longtemps, mais il me semble qu'il était une sorte de prêtre oui, et que Disney a changé sa profession pour Juge parceque religion et tout. Après, le bouquin était pas mal différent de mémoire (genre, Phoebus est un connard, Quasimodo est tendance agressif, Frollo est un mec pas particulièrement méchant avant que son désir pour Esméralda lui fasse péter un cable, et Esméralda est une cruche. Un truc dans le genre).
Enfin, au final, j'en ai que de vagues souvenirs de ce film. Et par "vagues souvenirs", j'entend  juste la scène ou Frollo chante devant la cheminée, qui fait partie des chansons hardcore  de dessins animés, avec dans un registre différent les plaies  d'Egypte dans, ben.....le Prince d'Egypte.
Enfin voila, au final, j'ai jamais été trop fan.  Et je dois que l'idée d'adapter "Notre Dame de Paris" en dessin animé pour enfants m'a toujours paru assez incongru, et du coup ça m'étonne pas qu'il ait eu un succès relativement mitigé.
Mais on, on sait tous que le meilleur Disney, c'est Kuzco l'Empereur Mégalo.
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Message par Heg Mar 12 Aoû 2014 - 22:26

C'est pour ça que je fais une bonne partie de ma critique du film en l'insérant dans le contexte disneyen, plutôt qu'en le comparant au bouquin. J'aurais pas pu, de toute façon.

Je pense que dans le cas de ce film, l'effet de surprise positive à pas mal joué. Il se peut qu'après avoir lu ma critique quelqu'un d'autre ne ressente pas ce que j'ai ressenti. Mais je te conseille quand même d'y jeter un coup d’œil objectif en tant qu'adulte, tout cynique que tu sois.

Par contre, peut être que tu peux ne pas copier/coller l'intégralité de mon pavé quand tu commentes ^^" ? Je sais pas, c'est du genre un peu massif.
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Message par Starman Mer 13 Aoû 2014 - 14:19

Désolé, l'habitude.
Bah, j'essaierais à l'occase, quoi. Mais je suis pas si cynique que ça, ho.^^
Si tu as le bon sujet je suis super sensible et émotif. Même que ouais.
Et le premier qui prétend le contraire, je lui démonte la tête.^^
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Message par Mélanie Mustang Mer 13 Aoû 2014 - 16:42

J'ai vu que tu avais fait une critique sur Notre Dame, ce matin. Et je me suis dit, il faut que je lise ça !^^ Pour ma part, il fait également partie de mes Disney préférés, j'aime justement ce côté adulte de certaines scènes que l'on ne peut vraiment comprendre qu'une fois plus grand...
Je me souviens être allée le voir à sa sortie avec l'école et j'avais bien rigolé grâce à Djali (qui existe d'ailleurs dans le livre et qui est une chèvre "savante"), des gargouilles... Même Phoebus m'avait fait rire à certains moments il me semble...

Je l'ai regardé il n'y a pas très longtemps, j'ai réécouté la comédie musicale, vu un vieu film avec Anthony Hopkins dans le rôle de Quasimodo et finalement, j'ai lu le livre pour la première fois il y a quelques mois. Et j'avoue que, même si l'adptation de Disney est très bien pour ce qu'ils ont voulu en faire, je préfère de loin le roman.
On y découvre un Frollo malgré tout beaucoup plus compliqué que dans toutes les adaptations qui ont été faites. Archidiacre (ce qui lui interdit de connaître les plaisirs charnels), il sauve Quasimodo d'une mort certaine que lui réservaient les habitants de Paris en le découvrant aux enfants trouvés... Il a également un jeune frère dont il s'occupe depuis la mort tragique de leurs parents alors qu'il était tout jeune. Féru de sciences et de religion, il passe un peu pour un sorcier auprès des habitants de Paris. Et le fait qu'il soit le seul à réussir à se faire obéir du Bossu ne fait que renforcer ce point.
Sa folie amoureuse ressort assez bien dans le Disney, même si le personnage parait pour le coup plus sadique que passionné...
Mais, même si je trouve dommage que ce superbe personnage passe une fois de plus pour un grand méchant, il fallait bien un grand méchant dans ce Disney.
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Message par Heg Mer 13 Aoû 2014 - 20:33

C'est pour ça que je suis contente de l'avoir revu sans avoir le roman en tête. Les adaptations littéraires sont toujours un casse-tête, qu'on se pique de les rendre fidèles à l'original ou pas. Personnellement, je fais partie des gens qui tolèrent très bien que l'adaptation prenne des libertés : le manga Ghost in The Shell est sympa. Le film... holly shit ! C'est un des meilleurs films de SF que j'ai vu. Ça valait le coup de laisser tomber les plaisanteries sous la ceinture.

Malgré ça, ça reste très difficile d'être objectif en analysant une adaptation quand on connait et qu'on aime l'original. Surtout quand, comme moi, on apprécie une intrigue et des personnages complexes, c'est difficile de repasser à quelque chose de plus simpliste. Ce que tu me dis sur Frollo, et ce que j'ai pu lire par ailleurs, me donnent assez envie de replonger dans le roman d'Hugo.
Mais dans tous les cas, ça reste assez injuste de comparer point par point un livre de 500 pages écrit par un des plus grands génies littéraires français avec un film d'une heure vingt destiné à un public international et de tous les âges. Il n'y aurait pas eu le temps de développer tous les personnages : techniquement, seul Quasimodo a une backstory. Mais le peu qu'on voit des autres personnages est suffisamment crédible, à mon avis, pour se faire une relativement bonne idée de pourquoi ils sont comme ils sont. Frollo ne me donne pas l'impression d'être méchant for the evulz. Quelque soit son histoire personnelle, on ne doute pas qu'il soit passé par beaucoup de ressentiment et de frustration pour en arriver à une telle aigreur.

Bon, c'est là que je commence à me sentir très insistante. J'ai un peu l'impression de me faire passer pour une plus grande fan du Bossu que je ne le suis. Une partie des raisons pour lesquelles je continue à argumenter est que j'aime les débats, et que j'ai le temps. Je suis en vacances.

Mais il y a aussi que je suis sans doute plus attachée à l'idée de ce film qu'au film lui-même.
Vous le savez peut être, j'envisage sérieusement de gagner un jour ma vie en réalisant des films d'animation. J'ai fait les études pour, je suis dans les starting blocs. Mon problème, que partagent beaucoup des gens qui sont dans ma situation, c'est que bien qu'ayant choisi par de biais d'un médium traditionnellement considéré comme enfantin, j'ai plutôt envie de m'adresser à des adultes. Et croyez-moi, c'est une gageure. Même si des films d'animation pour adultes existent, dont certains ont rencontré un succès d'estime, ils se content sur les doigts d'une main et empruntent presque tous au documentaire et à l'autobiographie, ce qui ne m'inspire pas tellement.

En un mot comme en 100, c'est incroyablement difficile de faire sortir un long métrage d'animation pour adultes. J'ai donc tendance à me raccrocher farouchement à tous les exemples d'animation un peu plus matures que la moyenne que je peux croiser. Ça me fait le même effet avec le Prince d'Egypte, que Starman avait eu raison de mentionner, d’ailleurs. Son ton plus sombre est une des raisons pour lesquelles j'aime beaucoup de film (en plus de sa virtuosité technique et d'une bande son super accrocheuse). Quand j'étais môme, je pouvais pas le piffer, pourtant. Pensez-donc, un film sur la Bible. Mon éducation ultra athéiste ne pouvait pas laisser passer ça.

Par ailleurs, Staman, est-ce que ça te gène si j'édite des posts pour ne laisser que la partie appropriée des citations ?
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Message par Starman Mer 13 Aoû 2014 - 23:40

Non, non. Fais comme tu le sens.
C'est sur que niveau film d'animation occidental pour adultes, il y'a pas grand chose. Il y'a une réticence à la fois de la part des producteurs et du public, qui souvent reste accroché à l'image d'un art destiné aux enfants.
Du coup, la seule voie qui reste souvent est celle de faire un film tout public, qui reste destiné aux enfants tout en évoquant des thématiques "adultes". Après,à force de jongler entre deux thèmes et de manger à tous les râteliers, on se retrouve souvent avec des films "malades", et du peu que je m'en rappelle, effectivement le Bossu de Notre Dame est un bon exemple. Entre les gargouilles rigolotes et Frolo qui chante sur comment il a envie de se faire Esméralda, c'est un peu le grand écart. Le Prince d'Egypte me paraît un peu plus maîtrisé sur ce point.
Bon, après, j'imagine qu'en restant modéré dans son ambition (tout le monde n'a pas la chance de refaire la Bible avec des millions de dollars de budget), et en privilégiant des modes de distribution plus alternatives, il doit être vaguement possible de faire des choses relativement adultes, quitte à avoir un "travail alimentaire" ailleurs dans l'animation (Marion Leblanc, animatrice de Totally Spies^^). Mais bon, c'est clair que bosser dans l'animation bas de gamme et faire dans l'underground sur son temps libre, ça demande de la grosse motivation.
J'ai déjà assez de mal à jongler entre mon boulot à mi temps à la Dépêche, ma préparation de concours, et mon premier scénario de long métrage (mais parfois je suis un touuuuut petit peu fainéant aussi^^).
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Message par Mélanie Mustang Ven 15 Aoû 2014 - 8:48

J'avoue que c'est pas évident. Je le vois aussi avec l'écriture et le travail à côté ça peut être fatiguant... Pour en revenir à Notre Dame, il est clair qu'il faut vraiment voir le Disney comme une adaptation, comme pour les autres versions, et ne pas s'attendre à voir la vraie histoire... C'est avec cette idée que je vais voir tous les films tirés de romans depuis Harry Potter. Et pour ce qui est de la version ciné meilleure que la version livre, je pourrais prendre pour exemple Le Hobbit^^
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Message par Starman Ven 15 Aoû 2014 - 10:07

Mélanie Mustang a écrit:J'avoue que c'est pas évident. Je le vois aussi avec l'écriture et le travail à côté ça peut être fatiguant... Pour en revenir à Notre Dame, il est clair qu'il faut vraiment voir le Disney comme une adaptation, comme pour les autres versions, et ne pas s'attendre à voir la vraie histoire... C'est avec cette idée que je vais voir tous les films tirés de romans depuis Harry Potter. Et pour ce qui est de la version ciné meilleure que la version livre, je pourrais prendre pour exemple Le Hobbit^^

Heuuuuu.....ouais.....si tu le dis.^^
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Message par Heg Ven 15 Aoû 2014 - 12:20

Heu.. Mélanie, sur le dernier point je me permet respectueusement d'exprimer mon désaccord de la façon suivante, en gardant à l'esprit que tous les goûts sont dans la nature, mais il me semble avoir déjà souligné qu'en regardant La désolation de Smaug, j'ai eu l'impression que Peter Jackson me faisait caca sur la tête, après avoir mangé un burrito pas frais. Ceci étant dit, on restera d'accord pour ne pas être d'accord, n'en parlons plus. Par pitié.

Je suis d'accord avec toi, Starman, Le prince d'Egypte est plus réussi que le Bossu. Il faut dire qu'à part les personnages des prêtres qui s'intègrent moins dans le décor, il y a beaucoup moins de concessions à ce que les producteurs considèrent être "le goût des enfants" - les courses de char, peut être. Il faut dire que l'ancien testament à adapter, c'est un sacré argument d'autorité. Trop de gens auraient râlé s'ils avaient fait n'importe-quoi avec.
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Message par Heg Lun 6 Oct 2014 - 17:29

Oui, ça fait longtemps. Cette chronique avait commencé à un meilleur rythme, mais que voulez-vous, c'est plus facile de trouver du temps pendant les vacances d'été. A vrai dire, j'ai passé pas mal de temps sur une autre critique, que j'ai un peu de mal à finir, parce qu'elle est plus ambitieuse que mes premiers numéros. Oh, elle finira bien par arriver. Mais en attendant, voici quelque chose de plus court. Sur du cinéma, encore. Et avec des images, pour me faire pardonner.

  Quand, comme moi, on se pique d'avoir une culture cinématographique, il est toujours un peu embarrassant d'avouer qu'on a pas vu tel ou tel film, habituellement considéré comme un incontournable, un "classique". Avant de les voir, j'ai ressenti cet courte honte vis-à-vis de 2001 : l'odyssée de l'espace, Psychose ou encore Citizen Kane. Ces trois là sont de ces films ayant tant marqué leur époque et leur médium, que, quand on les découvre tardivement, c'est presque avec une sensation de déjà vu. Les parodies, les hommages, les repompages ont précédé l'original. On l'aborde avec un sentiment de quasi-familiarité.
  Mais le paradoxe du statut de classique ne s'arrête pas là. Bien que leur aura soit entretenue, au cours de décennies, par de nombreux enthousiastes - auteurs et critiques -, il arrive parfois que l'original déçoive. En particulier, j'ai souvent entendu dire, à propos du film d'aujourd'hui, qu'il avait vieilli. Après visionnage, je dirais que ça dépend beaucoup de la façon d'aborder le film.
Alors, les classiques ont-ils une date de péremption ?

***


Le parrain
Francis Ford Coppola, 1972


L'histoire

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Petits-fours et généalogie

  Été 1945, New York. La fête bat son plein chez les Corleone, famille sicilienne traditionnaliste, le jour du mariage de leur fille, Connie. Pourtant Don Vito (Marlon Brando), le patriarche, n'a guerre de temps à consacrer aux festivités. En tant que chef de la plus importante dynastie mafieuse de la région, ou "parrain", il ne cesse jamais d'être sollicité par ceux qui cherchent la vengeance et la protection. La journée de Don Vito s'éclaire à l'arrivée de Michael (Al Pacino), son troisième fils, qui rentre du front.
  Contrairement à son frère ainé, Sonny (James Caan), Michael n'a aucune envie de reprendre les affaires de son père, bien qu'il lui porte une immense affection. Il souhaite vivre dans la légalité, et adopter des mœurs plus modernes - il fréquente librement une américaine, Key Adams (Diane Keaton). Cependant, à la suite d'un différent avec les Tattaglia, une famille rivale, Don Vito est abattu en pleine rue. Désireux de protéger son père hospitalisé, puis de le venger, Michael, décide de s'impliquer dans les opérations menées par Sonny.
  Tandis que le nombre de victimes augmente des deux cotés, et que Don Vito décide de prendre sa retraite, Michael prend une part de plus en plus importante dans la politique familiale.


Le mythe

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LE parrain

  Même si on n'a jamais vu Le parrain, j'ai du mal à croire qu'on soit passé à coté de ses moments le plus iconiques. Qui n'a jamais vu personne imiter Brando, la mâchoire en avant, parler "d'une offre qu'on ne peut pas refuser" ? Qui peut s'empêcher de fredonner quand résonne l'excellente bande originale composée par Nino Rota ? Ce sont des questions rhétoriques, et peut être que certains d'entre vous répondront non avec la meilleure foi du monde. Mais il est difficile de nier l'influence du film de Francis Ford Coppola sur le genre du film mafieux.
  Plus de quarante ans après, la série la plus récompensée aux Emmy en 2014, Breaking Bad, présente de nombreuses parentés conceptuelles, et même stylistiques, avec Le parrain. Dans les deux cas, on assiste à la transformation d'un homme qui se perçoit initialement comme fondamentalement bon et pacifique, mais devient un caïd redouté, à la suite de circonstances et d'intentions plus ou moins malheureuses. Michael Corleone et Walter White sont, entre autres, comparables dans leur rapport à la famille, qu'ils affirment protéger en leur mentant et en les faisant parfois souffrir - bien que chez Michael ce développement intervienne plus tardivement.
  L'influence du Parrain ne se limite pas même aux autres œuvres de fictions. Dans son essai de 2009, Codes of the Underworld: How Criminals Comunicate, Diego Gambetta affirme que de nombreux mafieux de la vie réelle s'inspirent des pratiques présentées dans le film, et d'autres du même genre. Dans un milieu violent et instable, les têtes de chevaux et autres poissons dans du papier journal seraient un moyen commode de maintenir un semblant d'ordre, par l'utilisation de codes créant une culture uniformisée au sein de la pègre. Une nouvelle preuve, s'il en fallait une, que souvent la fiction déborde sur la réalité.


Mais le film, dans tout ça, a-t-il bien vieilli ?

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Les années 40 vues par les années 70, le style

  Avant d'oser enfin regarder Le parrain, j'ai été propriétaire du DVD pendant près de six ans. Vous avez bien lu. Rétrospectivement, il m'est difficile d'analyser pourquoi j'ai mis tant de tant à me décider à le regarder. Sans doute la longueur du film - près de trois heures - y était-elle pour quelque chose, mais je ne me suis jamais faite prier pour regarder Le seigneur des anneaux. J'avais déjà fait quelques tentatives, avec mes colocataires, sans dépasser la première heure du film. Sans doute l'assistance s'attendait elle à film plus dynamique, plus rempli d'action. Cette fois-ci, d'ailleurs, je m'y suis prise en deux fois, parce que mes soirées, elles, sont courtes.
  Il est difficile de nier qu'en temps que film d'action, le rythme du Parrain est daté. Depuis les années 80, les John McTiernan, puis les David Fincher, les Christopher Nolan, on imposé leur patte dans ce registre (je ne vous ferai pas l'injure de comparer Michael Bay à Coppola). Le film de gangters, lui, ne semble de toute façon pas avoir le vent en poupe. Non pas que la lenteur soit une mauvaise chose en elle-même, ou qu'elle aie disparu de nos écrans. Mais elle semble d'être devenue l'apanage d'un cinéma plus intimiste, plus "arty", quand Le parrain visait un public large. Aussi quiconque vient chercher un film à popcorn, rempli de fusillades et de répliques cultes, risque immanquablement d'être déçu.

  Mais je ne pense pas que ce soit totalement involontaire, juste une distorsion culturelle entre 1972 et le présent. Analysons la scène où Sonny vient casser la gueule à Carlo, son beau-frère, parce qu'il bat sa femme. L'essentiel de l'action est filmé de loin, à la longue focale, ce qui produit comme on le sait un effet d'écrasement des acteurs sur le décor. Aussi les personnages courent-ils vers l'objectif sans que cela produise de changement significatif dans la composition. Cela donne à l'action une impression de futilité plus que de grandeur. Plus tard, Carlo s'est réfugié derrière une grille d'entresol, mais Sonny l'a rattrapé et le roue de coups. La scène est une fois encore filmée de loin, et une grande partie du cadre est occupée non pas par les combattants mais par le public amassé autours d'eux. L'action elle même est dissimulée, d'abord par la grille, puis une poubelle renversée, puis une bouche d'incendie. Quand, parfois, on passe au gros plan, c'est pour montrer Carlo s'accrochant pathétiquement à la grille, et Sonny lui mordant les doigts pour le faire lâcher. Selon moi, cette scène peut être interprétée, non comme une ode à la violence des personnages, mais une condamnation par le ridicule.

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La bagarre

  Peut être le film a-t-il choisi de ne pas être spectaculaire ? A l'occasion des scènes de fusillades, on retient surtout l'effondrement pathétique des corps, la lâcheté des tireurs, dont, souvent, on voit à peine le visage.

  La photographie de Gordon Willis, il est vrai, porte la marque des années 70. Les couleurs dominantes sont chaudes et sombres, donnant au film un rendu tirant vers le sépia, qui est sans doute passé de mode. (Même Jeunet utilise plus le jaune que le brun.) Personnellement, j'aime beaucoup le rendu des images, qui permet au spectateur de s'immerger dans un univers violent, parfois mal éclairé, empesé par le poids de la tradition. Mais c'est sans doute un élément qui peut être décourageant.
  A vrai dire, un des rares éléments - certes anecdotique - qui me fasse sortir du film, ce sont les fondus enchaînés. C'est une technique de montage que je trouve laide et inutile 99 fois sur 100, et la scène du lever de soleil sur la villa Woltz ne fait pas exception. J'ai toujours pensé que le cut simple était beaucoup plus percutant, même pour exprimer le passage du temps. Cependant, les fondus ont tendance à disparaître du film, et la seconde moitié en est quasiment exempte. C'est d'autant plus dommage que la scène incriminée arrive tôt dans le film. Sans doute fait-elle une impression qui dure. Pas de quoi, tout de même, se mettre à tout bouder.


En résumé, mon humble opinion

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Crowning moment of badassness

  De façon certes attendue, je trouve que Le parrain est un chef d'œuvre.

  Le film réussit le pari d'être une adaptation littéraire fidèle, étant scénarisé à la fois par Coppola et par l'auteur du livre original, Mario Puzo - comme on le verra dans la prochaine critique, ce n'est pas nécessairement un gage de réussite. C'est en temps que roman visuel qu'il livre toute sa puissance narrative, prenant son temps pour explorer plusieurs sous-intrigues, les causes et les conséquences des actes des personnages, qui trouvent leur sens dans un univers aux codes profondément ancrés, et richement décrits. La durée du film permet à Pacino, dont l'interprétation est impeccable - tout comme celle de Brando -, de représenter l'évolution de son personnage de façon naturelle et crédible. Elle permet, surtout, de rendre son histoire épique, loin d'une série d'anecdotes sordides que pourraient être une guerre des gangs.
  Outre son scénario et ses acteurs, Le parrain peut s'enorgueillir d'une réalisation de premier ordre. Coppola maîtrise magistralement le découpage, et le film est truffé de plans aussi efficaces qu'iconiques, sans devoir recourir au montage clipesque de celui qui a constamment peur de perdre l'attention du spectateur. (Une fois encore, je refuse de citer Michael Bay.) Le réalisateur prouve sa maîtrise du langage cinématographique dans un style emprunt de classicisme, tout comme il prouvera qu'il peut dynamiter les codes, sept ans plus tard, dans Apocalypse Now.

  Mais aucune de mes critiques ne serait complète, je suppose, sans une étude le la place des femmes et des minorités dans le film. On trouve, certes, à redire. Concernant le deuxième point, le casting est à 100% blanc, ce qui est toujours regrettable. Mais on peut noter que le film se déroule à une époque où l'on observe encore beaucoup de racisme entre les immigrés originaires des divers pays européens. L'Italie de faisait pas exception, et les catholiques Italo-Américains étaient souvent considérés comme inférieurs par les WASPs. D'une certaine façon, le film se déroule donc du point de vue d'une minorité. (Il est intéressant que l'Irlando-Allemand Tom Hagen, consigliere des Corleone, soit une minorité au sein de la minorité.)
  La place des femmes, clairement, est sordide. Elles n'existent quasiment que pour êtres battues, abandonnées, utilisées. On pense au sort tragique d'Appolina, victime collatérale d'un attentat visant Michael. Ou encore à Connie, qui est un ressort narratif dans le scénario, autant qu'un outil dans les manigances des gangsters. Heureusement, le film présente leur destinées comme elles sont, affreuses, et ne glorifie jamais les auteurs de cette violence. Le film ayant une ambition de reconstitution historique, la conclusion logique est que l'histoire du Parrain se déroule dans un univers particulièrement machiste et cruel, et que présenter les choses autrement ne ferait qu'embellir la réalité. Mais les choses étaient elles vraiment ainsi, ou notre habitude culturelle de dénigrer le rôle des femmes nous pousse-t-elle à diminuer leur véritable influence ? Dans le cas de la mafia du milieu du XXème siècle, je suis bien incapable de répondre. Mais il est toujours bon de se poser la question.
  On peut tout de même noter que c'est Key Adams, un des rares personnages qui reste sympathique du début à la fin du film (et la seule femme sexuellement libérée), qui sert de miroir au spectateur. Nous sommes donc encouragés, au tout dernier plan du film, à nous identifier à une femme.

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Key a comme un doute

  En résumé, pour ceux qui ont peur d'aborder le film, je pense qu'il est possible de le regarder en plusieurs fois sans le trahir. C'est un conseil que je donne rarement, mais pour Le parrain, je fais une exception. Sa structure, issue du livre, permet de découper le film en deux ou trois parties sans détruire l'impact émotionnel des scènes clés, et il peut se regarder comme une mini-série.
  Si on cherche un film d'action pulp et survolté, on sera clairement déçu. Mais si on cherche une fresque romanesque et épique, d'une grande justesse émotionnelle, servie par des acteurs, un réalisateur et un compositeur au meilleur de leur forme, on ne pourra qu'être d'accord avec moi : Le parrain n'a pas pris une ride.


Un dernier grain de sel

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Nous avons notre gagnant

  Réalisation 5/5 biatch
  Direction artistique 4/5
  Jeu d'acteur 4.5/5
  Scenario et découpage 4.5/5
     Total 4.5/5


Dernière édition par Heg le Lun 6 Oct 2014 - 19:18, édité 1 fois
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Message par Starman Lun 6 Oct 2014 - 19:03

En même temps, qui s'attend à un film pulp et survolté avec le Parrain?^^
Je dois dire que, même si j'ai vu le film, je n'en pas beaucoup de souvenirs si ce n'est le fait que c'était la classe. Ceci étant dit , la partie où tu évoque la difficulté à regarder le film en une fois m'a rappelé mon dernier visionnage de 2001 l'Odyssée de l'Espace, devant lequel je m'étais endormi. Alors que je m'ennuyais même pas, c'est juste que le film a un rythme propice à fermer les yeux et à piquer un roupillon. Meilleure sieste depuis un bail d'ailleurs, et le film est un chef d'oeuvre.
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